« Dans l’histoire et pour le grand public, René Capitant est d’abord le compagnon et le ministre du général de Gaulle, l’homme d’État. Mais en lui, l’homme d’État était indissolublement aussi un juriste éminent et un grand universitaire. » expliquait Jean Foyer dans sa présentation de René Capitant.
René Capitant, né le 19 août 1901 à La Tronche (Isère) et décédé le 23 mai 1970 à Suresnes (Hauts-de-Seine), était un juriste et homme politique français dont la vie a été marquée par son engagement politique, son rôle dans la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, et sa carrière universitaire.
René Capitant est issu d’une famille de notables, son père Henri Capitant étant un juriste spécialisé dans le droit privé et professeur d’université. Après des études secondaires au lycée Montaigne et au lycée Henri-IV, il s’inscrit à la faculté de droit de l’université de Paris. Capitant obtient des diplômes d’études supérieures en droit privé, droit public, et économie. Sa thèse de doctorat, soutenue en mars 1928, porte sur « L’impératif juridique : l’illicite ». Il est agrégé de droit public en 1930.
Nommé en 1930 à l’université́ de Strasbourg, il s’illustre comme professeur de droit. Dans les années 1930, il s’engage au sein du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, en réponse à l’appel du 18 Juin, Capitant contribue à la création du mouvement de résistance Combat à Clermont-Ferrand. Il devient professeur de droit à l’université d’Alger en 1941, où il soutient de Gaulle face à Giraud.
Après la Libération, René Capitant est élu député de 1945 à 1951. Gaulliste de gauche, il fonde l’Union gaulliste – Rassemblement des gauches démocratiques en 1946. Il est professeur à la faculté de droit de Paris en 1951. Pendant la guerre d’Algérie en 1957, il suspend son cours à la faculté de droit en protestation contre les pratiques militaires envers les Algériens.
Conseiller constitutionnel de De Gaulle, il ne soutient la Vème République en tant que système qu’avec le référendum constitutionnel de 1962 consacrant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.
Il est élu député de Paris de 1962 à 1968, où il préside la commission des Lois constitutionnelles. René Capitant manifeste une opposition croissante à Georges Pompidou, l’accusant de droitiser le mouvement gaulliste. À partir de mai 1968, il est garde des Sceaux dans les gouvernements Pompidou IV et Couve de Murville.
La théorie de la primauté de la coutume constitutionnelle
Capitant soutient que le droit positif ne se limite pas aux lois promulguées par le législateur, mais englobe les normes effectivement appliquées dans la société. Il s’oppose ainsi au positivisme juridique, affirmant que la validité du droit dépend de son effectivité.
La théorie constitutionnelle de Capitant sur la primauté de la coutume constitutionnelle repose sur une conception novatrice de la hiérarchie des sources du droit constitutionnel. Selon Capitant, la coutume constitutionnelle, issue de la conscience et de la volonté nationales, détient une valeur supérieure à celle du droit écrit promulgué. Cette perspective s’éloigne de la conception traditionnelle qui accorde une primauté incontestée à la constitution écrite.
Capitant définit la coutume constitutionnelle comme le produit de pratiques répétées, non codifiées dans la constitution écrite, mais considérées comme contraignantes et légitimes. Il affirme que la coutume, en tant qu’expression directe de la volonté du peuple, est supérieure à la constitution écrite, établissant ainsi la souveraineté de la nation comme fondement de sa théorie.
La suprématie de la volonté populaire constitue le pivot de la théorie de Capitant. Selon lui, la nation peut modifier la constitution à tout moment, même en l’absence de procédures formelles de révision constitutionnelle. La coutume, en reflétant le pouvoir constituant de la nation, est ainsi perçue comme une source du droit constitutionnel à part entière, au même titre que la constitution écrite.
Capitant va jusqu’à suggérer que la coutume constitutionnelle peut être une force de modification constitutionnelle, contournant les dispositions formelles de révision. Cette idée implique que la coutume, en tant que manifestation continue de la volonté populaire, peut modifier la constitution sans suivre les procédures prévues par le texte constitutionnel.
Un soutien à la démocratie directe au fil des Républiques
René Capitant, influencé par Carré de Malberg, critique le caractère internaliste du système parlementaire français de la IIIe à la IVe République. Il remet en question la souveraineté parlementaire et préconise son remplacement par la souveraineté du peuple, c’est-à-dire la démocratie. Selon lui, le régime représentatif est fondamentalement antidémocratique, établissant une distinction entre le gouvernement du peuple par les notables et une véritable démocratie gouvernée par le peuple.
Capitant souligne l’influence de Carré de Malberg sur sa vision du régime parlementaire français, qu’il considère comme un croisement entre le modèle anglais et le régime représentatif français. Il analyse le régime parlementaire de la IIIe République comme semi-représentatif, marqué par l’indépendance du parlement par rapport au corps électoral.
Le professeur insiste sur la nécessité de réformer le système parlementaire, préconisant des mesures telles que le référendum, l’élection des préfets, l’équilibre des pouvoirs et le contrôle de constitutionnalité. Il estime que la Ve République, bien que partiellement, réalise les vues de Carré de Malberg en combinant démocratie directe et régime parlementaire. Il préconise un renforcement de l’exécutif dans le cadre du régime parlementaire occidental.
Au fil des années, Capitant accentue ses critiques envers la souveraineté parlementaire, surtout à l’époque de la IVe République, dénonçant la souveraineté des partis et critiquant le système électoral. Il considère la Ve République comme la plus démocratique de l’histoire, soulignant la responsabilité du président devant le corps électoral.
Enfin, il offre une analyse systématique de la gouvernance dans la Ve République, mettant en avant l’expression de la volonté populaire à travers l’élection du président, l’élection de l’Assemblée nationale, le référendum et la confiance du corps électoral. Capitant insiste sur l’importance d’élargir la participation politique à l’exécutif tout en acceptant les réformes de la Ve République.
Le partisan d’une économie planifiée
Selon Capitant, la question du gouvernement de l’État est celle de la constitution politique, centrée sur la participation politique. Il souligne également l’importance de la participation politique et sociale dans la constitution sociale.
Capitant soutient que les réformes sociales et économiques lancées par de Gaulle après la Seconde Guerre mondiale visaient à développer le secteur des entreprises publiques, à réformer la structure interne des entreprises pour une participation des travailleurs, et à instaurer une économie planifiée dépassant le capitalisme et le communisme.
Dans ses critiques antérieures, Capitant remettait en question le régime représentatif en le jugeant peu démocratique, tout en critiquant violemment le régime capitaliste qui, selon lui, privait le peuple français de sa souveraineté. Il considère les réformes socio-économiques comme faisant partie du dirigisme, un système d’ordre supérieur ni capitaliste ni communiste.
Capitant insiste sur la nécessité de démocratiser l’entreprise, proposant une participation des travailleurs aux responsabilités et aux bénéfices. La Ve République, selon lui, devrait rendre sa légitimité et sa force à l’entreprise tout en démocratisant l’économie nationale.
Il anticipe sur la notion de participation qui sera popularisée plus tard par Mai 68, utilisant ce concept comme central pour aborder les questions sociales et économiques. Capitant propose une triple forme de participation des travailleurs aux entreprises : aux résultats, au capital, et aux responsabilités.
Finalement, Capitant souligne que la participation économique du peuple permet une légitimité au capitalisme contemporain, bien que cela ait suscité des critiques, notamment du mouvement syndical. La participation économique a été encouragée en France en raison de la relative neutralité de la bureaucratie et de la distance politique par rapport au pouvoir économique. Cependant, lorsqu’il était sur le point de se transformer en participation démocratique directe à la politique, ce concept est devenu un point de discorde, contribuant à la défaite de de Gaulle lors du référendum de 1964.
René Capitant prend ses distances avec Pompidou après l’échec du référendum de 1969. Fragile sur le plan de la santé, il décède moins d’un an plus tard, en mai 1970, d’un second malaise cardiaque. Son épouse, Marie Thérèse Colas, décède en juin 2002.
Capitant a laissé une empreinte significative tant sur le plan académique que politique, en incarnant un gaullisme de gauche et en s’opposant à des politiques contraires à ses convictions. Son engagement pour la justice et la démocratie marque l’histoire politique française.
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